Une expérience rare : la charbonnière

Novembre 2011 • par Denis HUIN, guide naturaliste et ornithologue

Chronique historiqueTradition

En ce mois d’octobre, des bûcherons s’affairent dans la forêt de Fayet. Plus précisément, ils sont dans les bois de l’Espace Naturel Sensible (ENS) de Siounet sur la commune de Comps-sur-Artuby. Un ENS est une propriété du Conseil général du Var, un espace préservé pour les générations présentes et futures. L’intérêt ici, est que le lieu était pratiqué par le dernier charbonnier du Var, l’un des derniers de France, Dominique Guipponi, aujourd’hui à la retraite.

Et s’il y a tant d’agitation dans cette forêt, c’est que le Conseil général et notamment le responsable local, Alain Fabre, organisent la mise en route de deux charbonnières.

Voila le déroulement, étape par étape :

1 – Deux fois 25 stères de bois, du chêne blanc essentiellement, ont été coupées et déposées là. Deux meules – le nom donné au  » tas  » de bois soigneusement arrangé autour d’une cheminée – sont montées. C’est une équipe de l’ONF, qui a été formée à  » l’école Guipponi  » qui s’en charge.

2 – Une fois les meules en forme de  » dos de tortue « , c’est le recouvrement par des branchages fins et feuillés (du buis par exemple) puis par de la terre. Si le recouvrement est bien fait, il peut pleuvoir sans risque!

3 – Des pelletées de braises sont déposées par le haut de la cheminée. Quand la base brûle, des petits morceaux de bois sont entassés dans la cheminée et la carbonisation (« la cuisson » disent les charbonniers) peut commencer. Une fumée épaisse et blanche s’échappe de la meule, d’abord par le bas puis progressivement par le haut. Quand une fumée bleue est visible c’est que le charbon est fait. Six jours peuvent être nécessaires pour cuire toute la meule. L’étape est cruciale et demande une surveillance constante, jour et nuit.
4 – Le nettoyage consiste à enlever la terre et les branchages pour dégager la meule charbonnée. Au fur et à mesure du dégagement des morceaux de charbons, il faut jeter de la terre et parfois arroser ce qui reste de la meule pour étouffer la combustion (« tuer le charbon » disent les charbonniers). L’opération se fait idéalement au crépuscule, pour mieux voir les morceaux rougeoyants.

5 – Dernière opération : la mise en sac. A faire délicatement pour préserver les gros morceaux qui sont le gage d’un prix de vente plus élevé.
L’opération est finie bien-sûr, mais sur le site il subsiste les restes des deux charbonnières : deux ronds de terre noire. Il reste aussi une petite meule de démonstration, ouvert sur un quart qui permet de comprendre l’organisation interne de la meule.

Il reste aussi la forêt de Fayet et le beau site du Siounet avec entre autre, une belle doline percée.

Donc n’hésitez pas à y monter, c’est à 4 km après avoir passé le village de Comps-sur-Artuby, en direction d’Aiguines par la D71.
De telles charbonnières étaient faites dans les Maures jadis comme en témoignent les ronds de terre noire croisés de temps à autre sur le bord des pistes et des sentiers. Une charbonnière de démonstration avait été montée, en son temps, près de la retenue du Lambert, sur le plateau du même nom près de Collobrières. Autre lien avec les Maures, Dominique Guipponi, qui vendait son charbon jusqu’à Marseille, Nice et Saint Tropez se rappelle très bien le jour où il a été invité par une grande célébrité, Brigitte Bardot.

. Texte et illustrations de Denis HUIN : guide naturaliste et ornithologue

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